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Œuvre collective et atteinte au droit d’auteur

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Nous l'avons vu plusieurs fois sur ce blog, les collectivités publiques sont elles aussi soumises au respect des dispositions du code de la propriété intellectuelle, qui protègent notamment le droit moral de l'auteur, qui comporte plusieurs attributs : le droit de divulgation, le droit de paternité et le droit au respect de l'œuvre et le droit au repentir. la commune de Montpellier, dans l'arrêt rapporté initialement par l'AJDA (AJDA 13/2004 P 718, note de JM Pontier), en a fait l'expérience.

Il s'agissait en l'espèce de la réalisation d'une plaquette de présentation d'une exposition, qui, contrairement à ce qui avait été initialement prévu, ne comportait pas la reproduction des œuvres de la requérante qui avait été supprimées de la plaquette pour des raisons apparemment financières. Si, le commissaire du gouvernement estimait le droit à la divulgation de l'œuvre pouvait être en cause, la cour administrative d'appel s'est placé, pour sa part, sur la composante "droit au respect de l'œuvre". La commune de Montpellier, en modifiant sans l'accord de l'auteur la plaquette de présentation de l'exposition, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et de ce fait a été condamnée à verser à la requérante une somme de 3000 € avec intérêts au taux légal et à 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

Mais auparavant, la cour aura du répondre favorablement à la question de savoir si la plaquette s'agissait d'une œuvre de l'esprit protégeable. Contrairement au tribunal administratif de Montpellier, la cour estime en effet que "il résulte de l'instruction que la première version de la plaquette de présentation de l'exposition Livres, Collages et Autres Edités des œuvres picturales de Mme X comprenait sur six pages quatre reproductions d'œuvres de la requérante, dont une en couleur, un texte de présentation, Ecarts, rédigé par M. Y, une liste des œuvres de l'artiste et une liste des expositions auxquelles elle avait participé ; que cette plaquette était donc tout à la fois un écrit littéraire et une œuvre graphique ; que la circonstance qu'il était emprunté à des œuvres antérieures est sans incidence sur le caractère original de la plaquette en cause, la forme de la présentation de celles-ci étant nouvelle".

Il nous semble pertinent que la cour examine la version initiale de la plaquette et non à son stade ultime : une autre méthode serait absurde, car alors l'auteur ne pourrait voir ses droit respecter, dans la mesure une une telle violation vient de l'écart constaté entre version initiale et version finalement mise à la disposition du public. Il nous semble aussi que le fait que la plaquette comporte des œuvres antérieures (des reproductions d'œuvres) est sans incidence sur le caractère original de l'œuvre, qui est déterminant pour la détermination d'une œuvre de l'esprit. Ici, le caractère original de l'œuvre vient-il sans doute du choix des œuvres, de l'ordre de leur présentation et des textes qui les accompagnent.

De la même façon, la cour devait déterminer à quelle catégorie appartenait l''œuvre. s'agissait-il d'une œuvre collective ou d'une œuvre de collaboration ?

L'article 113-2 du code de la propriété intellectuelle précise qu'une œuvre de collaboration "l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques". En revanche, "est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé." Si l'œuvre de collaboration est l'œuvre commune des coauteurs, "L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.
Cette personne est investie des droits de l'auteur"
(art L 113-5).

La cour a considéré qu'il s'agissait d'une œuvre collective, car nous sommes en présence d'une oeuvre créée "à l'initiative d'une personne morale et la fusion de différentes contributions empêchant l'attribution de droits distincts sur l'ensemble" (A et HJ LUCAS, traités de la propriété littéraire et artistique cités par JM Pontier. Mais contrairement à ce que je pensais en lisant le code,  la commune commanditaire, titualire des droits d'exploitation ne fait pas disparaître le droit moral des différents contibuteurs. La question de la titularité des droits est résolue par la cour de la manière suivante :

"Considérant que si le caractère collectif d'une œuvre au sens des dispositions précitées exclut tout droit indivis des co-auteurs, il n'a pas pour effet de priver ceux-ci du droit moral au respect de leur œuvre ; que, si ce droit, exclusif de tout lien de subordination, se trouve limité par la nature collective de l'œuvre, qui suppose la fusion de la contribution de l'auteur dans un ensemble, l'exercice, par le responsable de la publication, de son droit d'apporter des modifications aux contributions des différents auteurs, doit être justifié par la nécessaire harmonisation de l'oeuvre, considérée dans sa totalité".

Ainsi, si l'on en croit la cour, la fusion des contributions des différents auteurs dans un ensemble n'exclut peut priver chacun des auteurs au respect de leur œuvre. Toutefois, le responsable de la publication peut apporter des modifications à l'oeuvre de sa propre initiative, mais seulement dans le but d'harmoniser l'œuvre. Ainsi, si l'on comprend bien, le directeur de la publication a plus de droits sur l'œuvre quand il s'agit d'une œuvre collective.

Nous ne savons si cette jurisprudence est orthodoxe et correspond ainsi aux solutions dégagées par le juge civil qui a bien plus l'habitude de trancher ce type de question. Mais, à mon sens, on doit approuver que la limitation du droit des auteurs au respect de leur oeuvre dans une oeuvre collective ne puisse être justifiée que par la seule nécessité de l'harmonisation de l'ensemble. En effet, une solution différente n'inciterait guère les auteurs à produire des oeuvres collectives ou leurs contributions seraient insuffisamment protégées.


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